Comédie, Drame

[COUP DE CŒUR] Nous Trois ou Rien, de Kheiron

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À la sortie du film (et après une belle standing ovation pour Kheiron et Leila Bekhti), on m’a demandé de décrire ce film en trois adjectifs. Encore à chaud et sous l’émotion, j’en ai donné plein. Aujourd’hui, pour décrire le film Nous Trois ou Rien de Kheiron, je dirais juste un mot : formidable. Ce film est formidable et les raisons sont multiples. Drôle, touchant et vrai, Nous Trois Ou Rien est un bel hommage qu’offre Kheiron à ses parents et un véritable cadeau pour son public et le cinéma français. Pour un premier film, c’est tout simplement formidable.
Oui, comme la chanson de Stromae, et vous l’avez dans la tête maintenant.

Le pitch : D’un petit village du sud de l’Iran aux cités parisiennes, Kheiron nous raconte le destin hors du commun de ses parents Hibat et Fereshteh, éternels optimistes, dans une comédie aux airs de conte universel qui évoque l’amour familial, le don de soi et surtout l’idéal d’un vivre-ensemble.

Des humoristes / comédiens qui font des films, il y en a à la pelle. Des humoristes / comédiens qui font des films où ils campent un certain genre de personnage caricatural (à travers son physique, ses origines, ou autres) dans des comédies populaires et discutables, il y en a tout autant. Mais des humoristes / comédiens qui se lancent dans un premier film et qui en réalisent un aussi réussi, frais et beau, il y en a peu. Kheiron a osé relever ce défi risqué et excelle haut la main dans un exercice qui était pourtant loin d’être évident.
D’abord, pour le restituer, nous avons quasiment tous découvert Kheiron dans Bref, la série Canal+ qui mettait en scène Kyan Khojandi, l’autre révélation. Pour moi, Kheiron c’était ce personnage de l’ombre qui envoyait des textos qui disaient « Baise-laaaaaaaa » avec huit a et qui mimait des fellations pour encourager son pote. Dans Nous Trois Ou Rien, que je suis allée voir sans connaître l’histoire ni avoir vu la bande-annonce, j’ai découvert un tout nouveau Kheiron, bien plus discret et plus réfléchi, ainsi qu’un univers à la fois teinté de nostalgie et d’une infinie tendresse, mais surtout brillant et hilarant.

Pour son premier film, Kheiron choisit de narrer l’histoire peu ordinaire de ses parents qui ont fuit l’Iran pour atterrir dans le 93 en France. De ce parcours pourtant tragique, Kheiron en conserve l’émotion et le courage de ses personnages qu’il retrace avec justesse tout en ponctuant les coups durs de grands moments d’éclat (de rire). Politique, Nous Trois Ou Rien revient sur l’histoire de l’Iran, marquée par la dictature de fer du Shah et d’une population qui tente de se révolter, illustrée par Hibat, le héros du film. Entre prison et liberté surveillée, le film explore des sujets souvent douloureux, allant de la torture au deuil prématuré, en passant par le rejet et la discrimination, qui vont s’étirer à travers les différents tableaux du film. Là où d’autres auraient tiré sur la corde du sensible pour faire pleurer dans les chaumières, Kheiron signe son film d’un regard d’éternel optimiste et parvient à trouver de la lumière là où on ne s’y attend pas.

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Nous Trois Ou Rien n’est pas seulement un hommage ou une dénonciation de la situation terrible d’un pays qui fait encore écho à l’actualité d’aujourd’hui, c’est surtout une bouffée d’air frais et un véritable bonheur à découvrir. On pleure, certes, mais on rit aussi énormément. Également scénariste (seul) du film, Kheiron remplit son film d’humour, de personnages follement attachants et de situations ordinaires qu’il détourne à son avantage. Du coup, la trame est égayée par la relation entre Hibat et Fereshteh (sa femme), la rencontre avec les habitants de Pierrefitte et de Stains, en France et par tous ces personnages secondaires qui viennent contaminer la trame de leur petit grain de folie. Nous Trois Ou Rien est un véritable tableau vivant, représentant non pas l’Iran ou la France, mais les gens qui font ces pays, qu’il soit du coté des forces de l’ordre, des révolutionnaires, des partisans, des voyous, des hommes, des femmes, des ados, des parents… On s’y retrouve forcément et c’est ce qui en fait sa force. Il y a une générosité énorme dans ce film : Kheiron a beau avoir écrit et réalisé son film, il l’a fait pour ses parents et pour ceux qui iront voir le film, car en dehors de son regard et de sa patte humoristique, Kheiron lui-même est totalement en retrait et laisse sa place à ses personnages qu’il décrit avec une tendresse et une simplicité remarquable. D’un village iranien à la banlieue parisienne, Nous Trois Ou Rien combine plusieurs récits en un, traversés par une même volonté de vouloir changer les choses pour tout un pays, une communauté ou une personne. Entre échanges et bousculades, Kheiron fait de son héros un messager, prônant la communication et non la confrontation, dans un monde si réel qu’il semble presque trop beau pour être vrai.
Pour un premier film, c’est vraiment impressionnant et, avouons-le, pour une comédie française, c’est incroyable. Kheiron a visiblement bien réfléchi avant de se lancer, tout en s’entourant bien : s’il n’a pas pu tourner en Iran (mais au Maroc), il parvient tout de même à nous faire voyager. Sa mise en scène est rythmée, même s’il y a vraiment un changement de ton entre la partie en Iran et la partie en France (qui semble bien plus légère) ; le scénario est bien écrit et la musique accompagne parfaitement les émotions véhiculées par le film. Mais alors, il n’y a que du positif ? Chipotons un peu, justement à propos de la musique, parfois trop envahissante et répétitive lorsque le film survole des scènes pour avancer plus vite, ce qui donne l’impression de longueur. Mais cela est rapidement rattrapé, car on ne s’ennuie jamais dans ce film qui se découvre comme un livre ouvert et passionnant. Un sans faute, en fait.

Comment peut-on aujourd’hui réussir à une comédie française ? Il suffit de voir quel autre film d’humoriste /comédien est actuellement à l’affiche pour y voir une différence énorme : Nous Trois Ou Rien respire l’humilité et la reconnaissance de Kheiron, tandis qu’à coté, c’est bien plus une machine à fric bricolée grossièrement (je ne citerai pas de nom, mais une lampe magique est concernée…). La différence vient peut-être du fait que Kheiron et certains de ses acolytes humoristes / comédiens du film n’ont pas emprunté la voie royale du fric facile et sans dignité. Alors certes, Nous Trois Ou Rien aura sûrement moins de copies en France et moins d’entrées à fin de son exploitation (sans parler des sorties prochaines des colossaux Spectre, Hunger Games et Star Wars…), mais croyez-moi sur parole : vous en ressortirez conquis et avec la banane. Gros, énorme coup de cœur.

En parlant de casting justement, Nous Trois Ou Rien continue son parcours sans faute : Kheiron (Bref, Les Gamins…) est étonnant dans ce rôle (qui change tellement de celui qu’il avait dans Bref !), à ses cotés, Leïla Bekhti (L’Astragale, Maintenant ou Jamais…) est superbe, entre élégance et une petite pointe sévère pour accentuer l’autorité de son personnage. On y retrouve également un Gérard Darmon (Duel Au Soleil, Bis…) génial, tandis que les guests de renoms défilent : Kyan Khojandi (Nos Futurs…), Alexandre Astier (Asterix : Le Domaine des Dieux…), Zabou Breitman (Nos Futurs…), Arsène Mosca (La French…), Jonathan Cohen (Une Rencontre…)… et les seconds rôles s’étoffent avec Michel Vuillermoz (Comme Un Avion…), Carole Frank, Eriq Ebouaney (Le Crocodile du Botswanga…) et même Camelia Jordana (Je Suis À Vous Tout De Suite…). Et puis il y a ceux qui marquent le film, comme, par exemple, Farida Ouchani (Nous York…) qui changera votre vision des mouches à tout jamais,

En conclusion, au risque de me répéter, je vous le dis : Nous Trois ou Rien de Kheiron est formidable. Fooo-ooormida-ble ! (C’est cadeau). À voir absolument !

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