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[CRITIQUE] Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur, de Guy Ritchie

Le pitch : Jeune homme futé, Arthur tient les faubourgs de Londonium avec sa bande, sans soupçonner le destin qui l’attend – jusqu’au jour où il s’empare de l’épée Excalibur et se saisit, dans le même temps, de son avenir. Mis au défi par le pouvoir du glaive, Arthur est aussitôt contraint de faire des choix difficiles. Rejoignant la Résistance et une mystérieuse jeune femme, il doit apprendre à maîtriser l’épée, à surmonter ses démons intérieurs et à unir le peuple pour vaincre le tyran Vortigern, qui a dérobé sa couronne et assassiné ses parents – et, enfin, accéder au trône…

Injustement enterré vivant par la critique US, le film de Guy Ritchie réinvente la légende du Roi Arthur dans un blockbuster épique, surfant sur une ambition heroic fantasy gonflée à bloc, inattendue, bordélique et assumée.
Moi qui pensait que la verve du réalisateur s’était éteinte avec la saga Sherlock Holmes et son entrée dans le game US, j’ai retrouvé son coté punchy et décalé à travers sa mise en scène dynamique, les dialogues décousus et ses personnages plein de frime. Si parfois le réalisateur se perd dans ce vaste terrain de jeu XXL et que la direction artistique pompe allègrement le style de Zack Snyder (Warner oblige ?), je ne me suis pas ennuyée une minute tant le film aligne les séquences spectaculaires et musclées, soulignées par du slow-motion certes imposant mais stylisé et un soundtrack aussi décalé qu’original.

Mais alors, pourquoi tant de haine ? La légende du Roi Arthur, son épée Excalibur, la magie de Merlin et les Chevaliers de la Table Ronde sont les instruments idéaux pour nourrir un imaginaire déjà bien fourni et souvent adapté au cinéma et à la télévision. Depuis les années 50 avec le film de Richard Thorpe, Les Chevaliers de la Table Ronde, jusqu’au moyen Le Roi Arthur d’Antoine Fuqua en 2004, en passant par les séries télés dont la très frenchy et satyrique Kaamelott d’Alexandre Astier, la légende – à l’origine bretonne – est devenue une histoire incontournable pour tous les aspirants de récits médiévaux et d’épopées chevaleresques.
Oui mais voilà, en confiant un tel projet à quelqu’un comme Guy Ritchie, il y avait deux possibilités : soit le réalisateur british s’enfonçait dans une réalisation sans âme et ordinaire pour radoter une histoire que l’on connait déjà par cœur, soit il retrouvait le grain de folie qui l’habitait à l’époque de Snatch (2000), Arnaques, Crimes et Botanique (1998) ou encore RocknRolla (2008) et proposait quelque choses de radicalement différent. Et cette fois, après la réception mitigée de son dernier film, Guy Ritchie semble avoir repris du poil de la bête et s’est lancé avec une ambition démesurée dans son nouveau film.

Guy Ritchie, pour moi, c’est un réalisateur que j’ai découvert en même temps que Quentin Tarantino : du cinéma noir et poisseux, des films de gangsters / arnaqueurs à la petite semaine et au mini-budget, boosté par un humour corrosif et un goût prononcé pour la violence à travers des personnages pouilleux, patibulaires, un poil taré mais toujours écrits avec une plume parfaitement acérée. Mine de rien, malgré ses airs de séries B, les films de Guy Ritchie sont un mélange de petites découvertes et d’invités surprise, de Jason Statham à Benicio Del Toro, en passant par l’occasion d’éclabousser l’image de beau-gosse de Brad Pitt en le transformant en gitan à la droite fulgurante ou de s’offrir un trio mémorable avec Gerard Butler, Idris Elba et Tom Hardy. Un parcours sans faute, mais un peu underground, qui permettait à Guy Ritchie de frayer avec malice entre le cinéma indépendant british et l’industrie hollywoodienne, associant à merveille le flegme et l’humour noir british à sa mise en scène pleine d’esbroufe et destructurée. Et puis d’un coup, Hollywood lui a fait les yeux doux et lui offre Sherlock Holmes sur un plateau. Si les deux films ont connu un beau succès au cinéma, je n’ai pas du tout aimé cette saga – dont le troisième volet est attendu pour 2018 : d’une part parce qu’en dehors des décors urbains sombres et dangereux, je ne retrouvais pas la patte du réalisateur et, d’autre part, parce que la saga était totalement vampirisé par l’aura de l’acteur principal, Robert Downey Jr – qui portait déjà à ce moment-là les couleurs d’Iron Man. Entre acteur chéri d’Hollywood et box-office satisfaisant, les films de Guy Ritchie ont contenté la critique générale, tout comme son film suivant.
Mais là encore, malgré les apparences accrocheuses et un casting de choc (le nouveau Superman Henry Cavill, un Armie Hammer en pleine affirmation et l’actrice montante Alicia Vikander), Agents très spéciaux : Code UNCLE m’a déçue. Hyper stylé mais radicalement différent des codes habituels de Guy Ritchie, ce film aurait pu être un coup d’éclat plein de panache et pourtant il s’avère beaucoup, beaucoup trop sage. Trop occupé à parfaire ses tableaux glamour et colorés, Guy Ritchie est totalement transparent dans ce film d’espionnage cossu mais mollasson.

Alors voilà, quand le film Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur s’annonce, peut-être que tout le monde s’attendait à une fresque historique classique mais j’ai bien l’impression que Guy Ritchie a empoché le pactole en étant bien décidé de frapper un grand coup dans la fourmilière. Oui, le projet est immense et Guy Ritchie ne s’est jamais attelé à ce type de sujet avec sérieux. Et pourtant, en filigrane, le film retrouve tous (ou presque) les codes de Guy Ritchie lorsqu’il se réapproprie la légende pour réécrire l’histoire du Roi Arthur. En le transformant en fripouille, le réalisateur retrouve son identité piquante et déconstruite à travers la mise en scène étourdissante des dialogues qui chevauchent les timelines pour créer des séquences hyper dynamiques, jusqu’à une galerie de personnages aux clichés assumés et exacerbés par une écriture boostée par la frime. Résultat, Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur sort des sentiers battus et propose un traitement surprenant qui maintient en alerte à chaque rebondissement. Le ton détonne et décoiffe : musclé, badass et en même temps porté par ses ambitions héroïques, Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur démarre un show en roue libre qui ne fait que monter en gamme dès les premières minutes. Pour être honnête, ma première réaction dès l’introduction a été « Ouh lala qu’est-ce que c’est que ça ?! », mais finalement le film conquiert et séduit au fur et à mesure qu’il s’affirme.

Là où Guy Ritchie prend des gros risques, c’est en osant le genre heroic fantasy. Le dérapage est là, bien visible, bien criard et « in your face ». Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur ressemble à une cacophonie numérique, ponctuée de slow-motions affûtés et d’effets spéciaux emphatiques dans une palette de couleurs gris-bleus où percent des pointes rougeoyantes. L’ensemble rappelle très souvent le style de Zack Snyder (notamment 300 ou encore Sucker Punch), pas toujours maîtrisé et habité par des créatures gigantesques, qui semble déborder en dernière partie du film dans une surenchère bordélique aux allures de jeux vidéos en immersion réelle. Et pourtant, au lieu d’être la catastrophe annoncée, je trouve que le mélange du style de Guy Ritchie à l’épopée fantasy du film crée un cocktail jubilatoire et tout simplement génial. Oui, c’est gonflé, oui, c’est too much… mais c’est totalement assumé à travers le récit et le caractère des personnages qui surfent sur la fine limite entre le cliché et l’attitude complètement badass.

C’est justement cette retenue in extremis qui rend l’ensemble digeste et surtout incroyablement fun. Bref, je me suis éclatée devant Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur, le film à pop-corn idéal pour décrocher, certes teinté de nombreux défauts mais souvent jubilatoire. De plus, la bande-originale continue de jouer sur des tableaux surprenants, mêlant des chants à l’inspiration celtique aux sonorités rock et contrastés. Encore un élément qui pique la curiosité et empêche, finalement, de filer vers un traitement super classique. Peut-être que Guy Ritchie aurait dû s’en tenir à ce qu’il savait faire, peut-être que Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur est un super nanar de série B, mais pour ma part, c’est un nanar que je recommande et que je retournerai voir sans problème. Au-delà du blockbuster et de la réalisation sous acide, j’ai retrouvé la folie d’un Guy Ritchie que j’avais perdu depuis longtemps à travers son style décousu, ses timelines barrées et ses personnages affirmés qui osent moderniser une histoire poussiéreuse et déjà vue trop souvent.

Au casting : rare sur grand écran, Charlie Hunnam (Lost City of Z, Crimson Peak, Pacific Rim…) tient le rôle titre et semble taillé pour le personnage à l’attitude rebelle imaginé par Guy Ritchie. Autour de lui, Jude Law (The Young Pope, Spy…) gagne en charisme en jouant les bad guys, Eric Bana (Délivre-Nous Du Mal…) joue les filles de l’air, Aiden Gillen (Sing Street, Game Of Thrones…) montre enfin un visage sympathique, tandis que Djimon Hounsou (Tarzan, Fast And Furious 7…), Neil Maskell (High Rise…), Freddie Fox (Docteur Frankenstein…) et Tom Wu (Kick-Ass 2…) complètent un ensemble pêchu. À l’affiche également, Geoff Bell (Kingsman…) fait à nouveau face à Charlie Hunnam 11 ans après Hooligans.

La grosse déception cependant est réservée au casting féminin.
 Les femmes sont totalement transparentes malgré leurs jolies présences, comme Poppy Delevingne (Elvis and Nixon…), Annabelle Wallis (Annabelle…) ou Katie McGrath (Jurassic World, Supergirl...), et quand Àstrid Bergès-Frisbey (Alaska, Pirates des Caraïbes 4…) ouvre la bouche c’est souvent la cata : sous anti-dépresseurs ou totalement à coté de la plaque, la jeune actrice (sur)joue parfaitement la constipation chronique et le duckface minaudant à la Eddie Redmayne, mais rend son personnage totalement plat malgré son rôle important.
Oh, et un petit caméo à la jambe gauche se cache dans le film 😉

En conclusion, Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur ne ressemble pas au traitement classique des films d’aujourd’hui, mais Guy Ritchie, malgré ses points faibles et son manque de maîtrise face à ce projet monstrueux, prouve qu’il n’y a pas qu’une façon de narrer une histoire. Fun, décalé et accrocheur, Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur se révèle comme un blockbuster survitaminé et plein d’excès, à consommer d’urgence. Sinon, y a Kaamelott u_u

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